Visite aux archives départementales (Article de Pauline, Bertille, Rose, Eugeny, Aemilia, Line-Aëlle et Pierre Louis)
Mercredi 14 février, nous avons eu l’honneur de faire une visite aux archives départementales de Loire-Atlantique, pour en apprendre plus sur le devenir des populations juives de notre département pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cette journée fut pour nous très enrichissante et l’occasion de découvrir de véritables témoignages historiques datant de la période de l’occupation nazie, une étape majeure quant à notre travail de mémoire sur la Shoah.


Le matin, nous avons pu consulter de nombreux documents historiques datant de 1940 à 1945, à propos de la traque subie par les populations de confessions ou d’origines juives sur la période d’occupation. Etaient considéré comme juif toute personne pratiquant le judaïsme ou marié à une personne de confessions juive ou descendant d’au moins 3 grands-parents de confession juive. Nous avons notamment pu lire des fiches concernant des juifs arrêtés par la Gendarmerie Française ou les forces d’occupation allemandes (kommandantur), des listes de personnes raflées, voire parfois exécutées sans procès (juifs, communistes, opposants politiques...). Relativement succinctes, ces fiches ne contiennent que très peu d’informations personnelles, sinon le nom, l’âge ou la professions de la personne. La plupart du temps, aucun procès n’était fait aux victimes, qui étaient systématiquement arrêtées. Suivant certaines lettres ou télégraphes administratifs que nous avons pu consulter, il s’avère que la majeure partie de ces personnes étaient déportées vers des camps de concentrations en France, avant de partir vers des destinations la plupart du temps tenues secrètes (probablement des camps d’extermination en Europe de l’Est). La plupart du temps, les administrations locales n’avaient quasiment aucun regard sur ce qu’il advenait des victimes arrêtées. De nombreuses lettres de proches arrêtés étaient adressées au cabinet du préfet pour demander la libération de leur proches (qui auraient été injustement arrêtés) ou pour avoir des nouvelles de leurs proches soudainement “disparus”, ce à quoi on répondait la plupart du temps que l’on avait aucune information concernant ces derniers.
Une fois arrêtés, la totalité de leurs biens étaient confisqués par l’Etat, comme en témoignent des tableaux retraçant les différents logements ou entreprises qui appartenaient autrefois à des familles juives et qui furent revendus par la suite à des particuliers. Certains s’adressaient même directement aux cabinets du préfet pour demander l’acquisition des entreprises ou des biens confisqués. Rien n’était laissé au hasard. Le moindre objet qui était laissé pour compte dans la maison se retrouvait confisqué par l’Etat, de la commode au stylo (certains tableaux retraçaient les inventaires des logements spoliés).




La discrimination antisémite a demandé une organisation colossale, faisant des arrestations, de la déportation et de la revente des biens une véritable industrie de la mort, même pour un département aussi isolé et géographiquement éloigné du Troisième Reich. Toutes les administrations étaient impliquées, de près ou de loin. La police et la gendarmerie participaient activement aux arrestations de personnes suspectées, qui donnait parfois lieu à de véritables chasses à l’homme pour ceux qui avaient réussi à s’échapper (qui constituaient alors des dossiers très conséquents, et suivis de près par des sphères politiques plus hautes). Les notaires et les banques avaient des codes de procédures spécifiques pour la gestion et la revente des biens et des capitaux spoliés (nous avons pu lire des exemplaires de chartes qui détaillaient les procédures). Les mairies se devaient de fournir toutes informations qui auraient pu inculper une personne comme “ennemi de l’Etat” (comme le montrent les lettres des maires d’adressant au préfet communiquant les informations sur les potentiels “juifs” de leur commune). Toutes ces informations étaient traitées et dirigées par le cabinet préfectoral. Certaines opérations étaient planifiées à l’avance et nécessitaient une grande collaboration de toutes les forces armées du territoires (police, gendarmerie, armées françaises et allemandes). Néanmoins, le système d’arrestation se basait principalement sur la délation de particuliers, qui pouvaient être récompensé avoir dénoncé ceux qu’ils savaient être de confession juive. Tout ce commerce établis autour des populations d’origines ou de confessions juives témoignent de l’horreur du régime d’occupation, ainsi que de l’antisémitisme qui régissait le pays à cette époque, de l’administration à la population. Ces documents authentiques nous ont permis de prendre pleinement conscience de la traque subies par les populations et de la peur qui a régis leur quotidien pendant plus de cinq longues années, et qui les a conduits pour beaucoup malheureusement à la mort. Ces hommes, femmes ou enfants ont été totalement déshumanisés par le régime politique alors en place, spoliés de tous leurs droits et leurs biens, condamnés à une mort indigne et complètement immorale, en dépit de toute considération pour eux de la part des autorités et d’une grande partie de la population.
Exemple de documents étudiés (Mathias et Gabin)
- 1694W26
- Ordonnance
- 23 mars 1942
- Du préfet de la Loire-Inférieure au maire de Rezé
- Couvre-feu ordonné pour les juifs de 20h à 6h
2.1694W26
- Lettre de 1941
- Du préfet de la Loire-Inférieure au sous-préfet
- Une liste des juifs est établie mais des erreurs sont à rectifier, certains noms doivent être rayés de la liste. Notamment un docteur, Henri Kravetz, qui doit fournir pour preuve un acte de baptême, de mariage et de famille.
3.1694W29
- Liste des juifs de la Loire-inférieure avec leur adresse crée par la préfecture
4.1694W29
- A Guenrouet -> arrestations juives
5.1694W29
- Dérogations accordées pour les médecins juifs pour circuler pendant le couvre-feu
6.1694W29
- Procès-verbal, arrestation d’un docteur juif
7.1694W25
- Préfet demande une recherche des juifs ayant fuit
8.1694W25
- Registre des juifs : tapissier, opticien, réfugiés de Belgique/Russie/Pologne/Portugal, professeur, journaliste, peintre, ingénieur chimiste, voyageur, sans-emploi, retraité....
- Statut marital, enfants, situation, famille et adresse demandés
9.1694W25
- Démission d’employés juifs sur des chantiers



























Par la suite, nous avons pu visiter le site des archives et découvrir comment s’organise cette administration particulière. Le site s’étalant sur plusieurs kilomètres d’épis (le nom donné aux rayons dans lesquels sont entreposés les documents) contient des millions de kilomètres de documentations, datant du Moyen-Âge jusqu’à nos jours, méthodiquement classés et organisés suivant un plan précis ; permettant aux magasiniers de les retrouver rapidement une fois que la cotte du document leur a été donnés. Les documents sont enveloppés dans un papier spécifique, résistant au feu, et les bâtiments sont conçus pour éviter tout risque incendie. Les documents sont conservés à températures et hygrométrie constante pour éviter toute dégradation.








Puis dans l’après-midi, nous nous sommes rendus par groupe à d’ancienne adresses juives de la ville de Nantes, domiciles ou magasins, à l’aide d’images de la ville datant de la fin de la guerre. Beaucoup avaient disparus à la suite des bombardements de la ville par les forces Alliés. Aujourd’hui se dressent à la place des immeubles ou de grandes enseignes commerciales la plupart du temps.
Rue de Fosse



Rue du Calvaire



Pour finir cette journée, nous avons pu lire les témoignages d’anciens résistants, recueillis par les autorités. Ils nous ont permis de découvrir la réalité de la guerre à travers les témoignages de ceux qui l’ont réellement vécu (la plupart des documents concernant les juifs provenant d’administrations). Arrestation, déportation et conditions de vie dans la fuite ou dans les camps de travail y sont décrits en détail, avec émotion et réalisme. Qu’ils soient ouvriers, agriculteurs ou encore anciens militaires, ils ont contribué par diverses actions de sabotages, ou par la protection de familles juives, à la libération de notre pays et surtout à l’arrêt des abominations perpétrées par le régime nazi à l’encontre des populations juives et des autres dits “indésirables”.
Pour conclure, cette journée a été pour nous l’occasion de découvrir quels ont été réellement les impacts de l’occupations nazies dans notre département. Elle a donné lieu à l’expression de la barbarie sans filtre et à la violation de tous les droits humains à l’encontre de populations innocentes, et nous a permis de comprendre réellement les dangers à l’échelle locale des régimes totalitaires et discriminatoires. Couplé à la visite des archives, ce travail de recherche nous a permis de prendre pleinement conscience de l’importance du travail mémoire, et sur l’importance de ne pas oublier que de tels évènements se sont produits. Ils ont été conséquences de la bêtise et la méchanceté humaine, et il important de se les remémorer et de ne jamais les oublier pour que jamais ils ne se reproduisent de telles violences et de telles atrocités. Pour que l’homme puisse vivre enfin en paix avec lui-même, malgré nos différences et les contraintes de la société. Pour se faire, il n’appartient qu’à nous de transmettre le message de la paix à notre prochain, et de continuer à faire vivre ce récit sombre vers les générations futures (travail déjà commencé par les services des archives, qui nous permettent de consulter aujourd’hui ces documents historiques).
Créez votre propre site internet avec Webador